Article du Méridional.
Ta gueule les poissons" , c'était malicieux, le titre d'une des précédentes expositions parisiennes de François Giovangigli, peut être parce que le poisson se fait de plus en plus obsédant dans les peintures du jeune avignonnais.
Peintures? Les oeuvres de François Giovangigli sont, plus que jamais, à la limite entre la peinture, la sculpture et l'architecture. Il aime travailler dans une matière très épaisse et mêle toujours à sa peinture divers matériaux: ardoises, sable, limailles, colles, papier mâche et depuis peu poissons. Oui poissons. Non pas natures mortes.
Un silence Habité
"Ta gueule les
poissons?" Pas moins bavarde pourtant que l'oeuvre de Giovangigli, peintre franciscain qui aurait fait voeu, non pas de se taire, voeu impossible pour un artiste, mais d'en dire le moins
possible pour en dire le plus possible.
D'où cette énonciation toujours répétée, d'une série d'oeuvres à l'autre, d'une exposition à l'autre: seuls importent les rapports que l'homme entretient avec sa mort: c'est une question de vie pour un homme et pour un artiste.
"Travailler sur l'image de l'homme face à la mort m'est toujours apparu comme une évidence, une urgence intérieure",
dit le peintre citant volontiers l'historien Philippe Arias à l'appui des gisants, debout ou couchés en bas relief, qui sont toujours la fondation et l'axe de chacune de ses oeuvre, "corps glorieux" de voyageurs immobiles conjugués à d'autres images obsessionnelles: bassins baptismal, bestiaire roman, ciel et depuis quelque temps poissons.
Rien de moins noir que cette oeuvre pourtant, on l'a souvent remarqué: une lumière de gloire, de sérénité nimbe toujours plus les oeuvres du peintre qui est passé peu à peu des couleurs sombres (gris ardoise, noir, marron) à l'or, le rouge et surtout un bleu magnifique.
Les portes de la peinture
En parallèle avec ses toiles, depuis 1991, ses travaux prennent une dimension de plus en plus monumentale: de grands polyptyques que, plus justement que "installations" il nomme "monuments provisoires" sont montés sur échafaudages.
Ces "tombeaux imaginaires" composent une oeuvre qu'on ne doit pas seulement regarder mais dans laquelle, au sens physique du mot, l'on pénètre, l'on circule. "Cela permet, dit Giovangigli, d'ouvrir plusieurs espaces de peinture en une seule oeuvre".
C'est sur ces recherches qu'était centrée la dernière exposition de l'artiste, "Rituel au Pluriel" qui vient de se terminer à l'Espace Commines à Paris. Il faut désormais aller vite pour suivre à la trace François Giovangigli. Souvent exposé à Paris, il sera en juillet à Berlin, en août à Porto vecchio, de fin septembre à début novembre au musée des tapisseries et à la chapelle Sainte Catherine à Aix en Provence,
début mars le musée Toulouse Lautrec l'accueille pour deux mois ) Albi, début 1995 Pont Saint Esprit l'attend à l'abbaye Saint Pierre pour la grande inauguration du musée d'Arts Sacrés...
Adoubé par les plus prestigieuses revues nationales et internationales et les grands musées, peut-être se rappellera t-on les articles que lui avait consacrés notre journal lors de ses passages à Avignon pour "Explosition 89" et à l'église des Célestins en 90: en effet François Giovangigli - dont on remarquera le champ aimanté qui le lie à des lieux de culte, et ce n'est pas un hasard - a fait ses classes aux Beaux-Arts d'Avignon. Il a aujourd'hui 33 ans.
Danièle Carraz